CHRISTIANE TAUBIRA, LA MEILLEURE DÉFENSE C’EST L’ATTAQUE !

28/01/2021
Il y a déjà 8 ans -jour pour jour-, le 29 janvier 2013, Christiane Taubira, Garde des Sceaux et Ministre de la Justice, prononçait devant l’Assemblée Nationale son discours sur le projet de loi du « Mariage pour tous ». Le discours d’une combattante, qui fit mouche ! Décryptage en 5 points.

1/ Un discours sans note

Christiane Taubira réalise une prouesse. Une demi-heure, dont 15 minutes d’analyse historico-juridique du mariage civil de 1791 à nos jours, sans lire un mot. C’est assez fort ! Pourtant, rien n’a été improvisé. Tout a été savamment écrit et appris. Par cette prouesse, la Ministre démontre plusieurs choses : la maîtrise de son sujet, son engagement, sa sincérité. Le fait de maîtriser parfaitement son texte lui permet aussi de s’adresser directement aux députés, par le regard, les gestes et sa voix.

2/ Une argumentation historico-juridique au service du message

Si sa première partie est longue -15 minutes, soit la moitié de son intervention-, elle a pour fonction de  «servir » son message. « Depuis deux siècles, l’évolution du mariage va vers l’égalité. Aujourd’hui, nous parachevons l’égalité (…) Le mariage va enfin devenir une institution universelle». Sa démonstration est minutieuse et savamment argumentée de références et d’exemples. Même si certains lui reprochent de « réécrire l’histoire », Christiane Taubira cherche ici à inscrire le projet de loi dans une logique historique incontestable.

3/ Une attaque sans pitié !

En effet, une fois l’argumentation historique posée, la ministre passe à l’attaque avec cette phrase de bascule : « Alors, disons les choses : qu’est-ce que le mariage homosexuel va enlever aux couples hétérosexuels ? ». Bien sûr, son camp répond à l’unisson : « Rien ! ». A partir de cet instant, Christiane Taubira va utiliser les 10 minutes restantes pour attaquer. Elle contrecarre point par point les arguments de ses détracteurs. Elle les prévient de manière ostensible et rhétorique : « Alors, nous allons oser poser les mots… ». Une formule qu’elle va répéter à loisir et qui signifie : « Je n’ai pas peur de vous. C’est vous qui devriez avoir peur ! ». Elle dénonce « les mensonges », « l’hypocrisie », « l’égoïsme de ceux qui s’imaginent que la République pourrait être réservée à une seule catégorie de citoyens ! ». Taubira a lâché les chevaux.

4/ L’humain au cœur du débat

Même si la Ministre aime à se référer aux concepts de la République –Liberté, égalité, fraternité-, elle n’oublie pas le registre humain. « Que l’on nous explique pourquoi deux personnes qui se sont aimées, qui ont vieilli ensemble devraient consentir à la précarité (…) du seul fait que la loi ne leur reconnaît pas les mêmes droits ? ». La question des enfants est au cœur du débat. Elle aura cette formule redoutable : « Vous refusez des droits à des enfants que vous choisissez de ne pas voir ! ». Un véritable festival de formules choc qu’elle distille avec plaisir. Et elle achève ainsi : « Par conséquent, vos objections n’ont pas de fondement sauf une réelle difficulté à inclure dans vos représentations la légitimité de ces couples du même sexe. »  C’est direct et efficace !

5/ Une conclusion très personnelle de Christiane Taubira

À la fin de son discours, la ministre tient à marquer la différence entre le « Vous » et le « Nous ». D’un côté les « Vous » : « Vous pouvez continuer à refuser de regarder autour de vous, vous pouvez conserver votre regard obstinément rivé vers le passé.  C’est votre affaire ! » De l’autre, les « Nous », elle se tourne vers ses alliés politiques : « Nous, nous sommes fiers de ce que nous faisons ! », lâche-t-elle dans un large sourire. Elle cite alors un poète guyanais, Léon-Gontran Damas, sa marque de fabrique ! Une manière aussi d’imposer son style et de montrer à ses opposants que tout va bien…

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Journaliste et consultante pour Pitch361